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Alexis St-Gelais, M. Sc., chimiste – Découvertes

Qui a peur des chèvres, des moutons, des chevaux et des vaches? La plupart des Humains n’ont aucune crainte envers ces animaux pacifiques et utiles à notre espèce. Mes les plantes herbacées et les buissons ont bien des raisons d’en vouloir à ces bêtes, qui les mangent sur une base régulière. Que peut donc faire une plante lorsque l’heure du dîner approche? L’utilisation de poison est une avenue très efficace! Les plantes toxiques envers les herbivores sont nombreuses. Aujourd’hui, je vous présente trois exemples de défenses chimiques sophistiquées élaborées par des plantes pour éloigner les estomacs affamés.

Kalmia à feuilles étroites en
fleurs. Source: Wikimedia Commons

Le kalmia à feuilles étroites (Kalmia angustifolia), aussi connu comme crevard de mouton, possède un nom assez explicite. Les moutons sont en effet tout particulièrement vulnérables aux grayanotoxines biosynthétisées par le kalmia [1]. Ces molécules, qui appartiennent à la famille des diterpénoïdes, interfèrent avec le fonctionnement normal des muscles lisses. Ces derniers sont responsables du bon fonctionnement du système digestif. À ce titre les grayanotoxines entraînent de graves problèmes gastrointestinaux, accompagnés par des problèmes de coordination et une douleur intense, symptômes pouvant être mortels [2].  Comme les kalmia conservent leurs feuilles tout au long de l’hiver même dans les zones les plus froides, il s’agit d’une protection très efficace contre les herbivores pendant cette saison où la nourriture se fait rare, et où le kalmia devient un encas tentant malgré sa texture coriace [1].

Structure de la grayanotoxine I, l’un des
composés trouvés chez Kalmia angustifolia.

Les grayanotoxines, avec leur structure moléculaire sophistiquée, se retrouvent aussi dans d’autres plantes de la famille des Ericaceae, comme les rhododendrons [2]. Elles ont en fait probablement été les premières armes chimiques utilisées par l’humanité – un emploi inhabituel pour un produit naturel. Comme les grayanotoxines sont présentes dans le pollen de rhododendron, le miel peut devenir contaminé par la toxine, provoquant un trouble connu comme la « maladie du miel fou » (mad honey disease). Sachant cela, les Grecs Anciens de la région du Pont, au sud de la Mer Noire, se sont assurés que du miel était mis à disposition des troupes romaines du général Pompée qui les envahissait en 67 av. J.-C. Les Romains mangèrent le miel, subissant nausées, vomissements et paralysie, ce qui donna bien entendu amplement le temps aux Grecs de les massacrer [3].

La salicortine, un des dérivés
salicyliques typiques des Salicaceae.

L’empoisonnement n’est pas la seule stratégie végétale possible, cela dit. Un mauvais goût peut aussi efficacement éloigner les herbivores. Les plantes de la famille des Salicaceae, dont le peuplier baumier (Populus balsamifera), sont bien connues pour leur production de glycosides de polyphénols dérivés des acides salicylique et gentisique [4]. Si vous avez déjà croqué un cachet d’aspirine, vous savez par expérience à quel point ce groupe de molécules est amer. Les salicylates et les gentisates sont accompagnés de quelques composés volatils spécifiques dont j’ai déjà brièvement parlé dans mon billet sur les constituants volatils du peuplier faux-tremble (Populus tremuloides) [5]. Ensemble, ces molécules sont supposées donner mauvais goût aux brindilles de peuplier, ce qui semble être une protection efficace contre les lièvres et d’autres herbivores [4, 6].

 La chimie n’est pas un outil sans coût – les plantes doivent dépenser de l’énergie et du carbone pour biosynthétiser des molécules défensives. Ainsi, la teneur en composés phénoliques des peupliers varie selon la saison. En fait, le premier gel intense de l’hiver déclenche une forte biosynthèse de salicylates dans les brindilles, surtout les plus jeunes [5] et donc les plus utiles à la plante. L’hiver est une période particulièrement délicate, puisque les herbivores cherchent plus activement de la nourriture. Les polyphénols semblent donc être spécialement destinés à cette période de l’année, alors que leur concentration redescend progressivement jusqu’à de faibles niveaux au printemps [6]. Il s’agit d’un synchronisme fascinant.

Berce laineuse (Heracleum maximum).
Source: Wikimedia commons
Le bergaptène est l’une des
furanocoumarines des Apiaceae.

Parfois, les herbivores, c’est nous… Et il est plus compliqué de nous éviter! Plusieurs plantes de la famille des Apiaceae, comme la carotte et le céleri, sont utilisées comme aliments par l’humanité, mais la famille compte également plusieurs membres toxiques. Une spécificité commune à plusieurs Apiaceae est leur production de furanocoumarines. Ces molécules, si elles sont présentes en bonnes quantités, peuvent pénétrer la peau, où elles interagissent avec la lumière solaire pour provoquer des brûlures sévères [7]. La berce laineuse (Heracleum maximum), est aussi appelée en anglais Indian celery, puisque plusieurs Premières Nations du nord-ouest de l’Amérique du Nord consommaient sa tige comme légume [8]. Pourtant, la plante n’est pas dépourvue de furanocoumarines: elles ont été rapportées fréquemment pour cette espèce [7, 8]. Cela aurait pu être une protection efficace, si ce n’est que les sages Amérindiens n’avaient pris soin de peler la couche externe des tiges avant de les manger. Comme les furanocoumarines sont typiquement situées à la surface de la plante, il s’agissait d’une manière efficace d’éviter les « démangeaisons de la bouche » et les brûlures autour des lèvres [9].

Références

[1] Newfoundland and Labrador Deptarment of Natural Resources – Animal Health Division. Sheep Laurel Poisoning in Newfoundland and Labrador, [En ligne], (page consulted on 26/02/2015), URL: http://www.nr.gov.nl.ca/nr/agrifoods/animal/animal_health/pdf/vs_01_003_sheep_laurel.pdf

[2] Li, Y.; Liu, Y.; Yu, S. Grayanoids from the Ericaceae family: Structures, biological activites and mechanism of action, Phytochem. Rev., 2013, 12, 305-325.

[3] Ashcroft, F. Using Honey as the First Chemical Weapon, interview, [En ligne], (page consulted on 26/02/2015), URL: http://www.thenakedscientists.com/HTML/content/interviews/interview/1000404/

[4] Boeckler, G. A.; Gershenzon, J.; Unsicker, S. B. Phenolic glycosides of the Salicaceae and their role as anti-herbivore defenses, Phytochemistry, 2011, 72, 1497-1509.

[5] Reichardt, P. B.; Bryant, J. P.; Mattes, B. R.; Clausen, T. P.; Chapin III, F. S.; Meyer, M. Winter chemical defense of alaskan balsam poplar against snowshow hares, J. Chem. Ecol., 1990, 16(6), 1941-1959.

[6] Clausen, T. P.; Chen, J.; Bryant, J. P.; Provenza, F. D.; Villalba, J. Dynamics of the volatile defense of winter « dormant » balsam poplar (Populus balsamifera), J. Chem. Ecol., 2010, 36, 461-466.

[7] Camm, E. L.; Wat, C.-K.; Towers, G. H. N. Assessment of the roles of furanocoumarins in Heracleum lanatum, Can. J. Bot., 1976, 54, 2562-2566.

[8] Webster, D.; Taschereau, P.; Belland, R. J.; Sand, C; Rennie, R. P. Antifungal activity of medicinal plant extracts: preliminary screening studies, J. Ethnopharmacol., 2008, 115, 140-146.

[9] Kuhnlein, H.; Turner, N. Cow-parsnip (Heracleum lanatum Michx.): An indigenous vegetable of native people of northwestern North America, J. Ethnobiol., 1987, 6(2), 309-324.

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