Alexis St-Gelais, M. Sc., chimiste – Découvertes
Les gens du Québec savent comme le climat peut être rude sous nos latitudes, comme à Saguenay. Avec des températures souvent sous les -25°C, le mois de février est cette année nettement plus froid que la moyenne. Les doigts s’engourdissent en un rien de temps, et il ne faut que quelques minutes pour se geler le bout du nez. Bien que cette situation soit inconfortable au quotidien pour nous, Humains, d’autres êtres vivants ont une vie bien plus difficile encore par les temps qui courent: les plantes! Si plusieurs meurent avant la saison froide, des douzaines d’espèces boréales survivront des années et des années à un froid mordant, pour renaître au printemps suivant.
Il ne s’agit en fait que d’un seul aspect de la périlleuse existence d’une plante. En effet, à bien y penser, être un végétal peut être un calvaire. Bien sûr, les végétaux peuvent se nourrir de manière autonome. En revanche, ils n’ont aucune façon de se déplacer. Cela implique tout un lot de défis. Les plantes peuvent ainsi non seulement être dévorées par le premier herbivore passant par là sans pouvoir y faire quoi que ce soit: elles ne peuvent non plus éviter les températures extrêmes, les rayonnements solaires intenses et leurs dommageables rayons UV, ou encore les variations inhabituelles dans la composition du sol, par exemple en raison de pollution. Des hordes de champignons, bactéries et autres virus les assaillent constamment. Elles peuvent être à tout moment piétinées par les êtres mêmes les plus pacifiques lorsqu’ils passent dans leur secteur. Enfin, hormis dans les environnements les plus extrêmes, elles sont généralement entourées de voisins très divers, parmi lesquels d’autres espèces de plantes préférant de loin voir leurs concurrentes périr pour gagner de l’espace pour croître ou pour permettre à leur descendance de s’établir.
Les plantes sont immobiles, et de ce fait, elles ont dû développer des adaptations parfois surprenantes pour améliorer leurs chances de survie. Certaines sont physiques, comme une écorce épaisse contre le feu ou des aiguillons pour décourager les herbivores. Mais la chimie est également un outil phénoménal pour se défendre en pareil cas. Les plantes produisent donc une diversité faramineuse de composés chimiques, bien plus variés que ce que l’on retrouve habituellement chez les animaux.
Illustration de la diversité des plantes – Crédit Photo : Wikimedia.org
Les Animaux et les Plantes partagent certaines composantes de base: les protéines, les lipides, les sucres et les acides aminés (constitutifs de l’ADN) sont considérés comme des métabolites primaires, qui sont associés à la structure même de la vie. Mais les plantes peuvent également compter sur ce qu’il est convenu d’appeler les métabolites secondaires, qui regroupent en fait à peu près tout le reste de ce qu’on peut trouver dans les végétaux: composés phénoliques, terpénoïdes, saponines, alcaloïdes, polymères complexes… Et bien que la science ne comprenne que des bribes de leurs fonctions chez les plantes, il est considéré qu’ils servent entre autres de défense contre les herbivores, les bactéries et les champignons, contribuent à la guérison des blessures, jouent un rôle dans les interactions avec les insectes, et peuvent même être impliqués dans des mécanismes de communication entre les plantes. Je présenterai certains cas spécifiques dans des billets à venir.
Telles sont les molécules « utiles » auxquelles nous référons souvent lorsqu’on songe aux produits naturels. Plusieurs d’entre elles interagissent en effet avec nos fonctions biologiques, négativement ou positivement. Ainsi, la prochaine fois que vous siroterez un bon café et ressentirez les effets stimulants de la caféine, que vous apprécierez l’odeur soulageante de l’huile essentielle d’eucalyptus contre la toux ou que vous achèterez des extraits de ginseng pour vous redonner du tonus, ayez une pensée pour la difficile existence des plantes!
