Alexis St-Gelais, chimiste – Vulgarisation
La GC permet d’analyser bien plus que des huiles essentielles (et des hydrolats, bien sûr). Elle est par exemple fréquemment utilisée pour des analyses d’hydrocarbures. On peut aussi l’employer pour analyser des mélanges de composés qui ne sont à la base pas très volatils : acides gras, composés phénoliques légers, acides terpéniques… Il faut alors avoir recours à une technique particulière, la dérivatisation.
D’abord, un peu de théorie. Deux règles générales permettent de se faire une idée rapide de la volatilité d’une molécule à partir de sa structure. En premier lieu, le plus souvent, plus la masse moléculaire d’un composé organique est petite, plus son point d’ébullition tend à être bas. C’est ce qui explique que les monoterpènes à 10 carbones soient plus volatils que les sesquiterpènes à 15 carbones.
En second lieu, la polarité de la molécule est aussi importante. Comme nous avons pu le voir dans un précédent billet, les molécules ne comportant que des atomes de carbone et d’hydrogène sont peu polaires, et généralement plus volatiles. La présence d’hétéroatomes (oxygène, azote, soufre…) réduit habituellement la volatilité. C’est ce pourquoi les monoterpènes oxygénés sont en général moins volatils que les monoterpènes simples. De plus, les groupements chimiques comportant un hétéroatome ne sont pas tous équivalents: certains génèrent davantage de polarité que d’autres. Les acides carboxyliques sont parmi les fonctions communes les plus polarisantes.
Pour améliorer la volatilité d’une molécule, l’analyste peut donc réduire sa masse moléculaire (par hydrolyse, notamment, ce qui sera traité dans un billet à venir) ou diminuer la polarité. C’est là que la dérivatisation entre en jeu : elle consiste à transformer certains groupements chimiques très polaires en d’autres se prêtant mieux à la volatilisation. Il existe un grand nombre de dérivatisations, mais deux sont particulièrement communes dans le cas des produits naturels.
La méthylation consiste à transformer un acide carboxylique (-COOH) en ester méthylique (-COOCH3). Un ester comportant peu de carbones (ici, un seul) est nettement moins polaire que l’acide, et donc plus volatil. Un cas typique de méthylation consiste à convertir les acides gras en esters d’acides gras. On convertira ainsi par exemple l’acide palmitique, qui bout à 351-2°C (1), en palmitate de méthyle, bouillant à environ 320 °C (2). Un autre exemple auquel nous avons parfois recours chez PhytoChemia est l’ajout de diazométhane pour convertir les acides résiniques (des diterpènes fréquemment retrouvés dans les écorces et résines de conifères) en esters analysables par GC-FID. De façon générale, le passage d’un acide à un ester améliore également la forme du pic obtenu en GC. Les acides « traînent » le plus souvent et produisent des pics triangulaires très larges sur une colonne capillaire typique de type DB-5 (Figure 1). Les esters produisent pour leur part des pics en cloche, dont l’intégration sera plus fiable. La méthylation améliore donc la qualité des résultats analytiques.

Figure 1. Au centre, pic typique obtenu pour un acide (ici, l’acide benzoïque dans l’hydrolat de fleurs mâles de peuplier faux-tremble, avec de petites coélutions), de forme triangulaire sur une colonne de type DB-5. À 31.53 minutes, pic de forme plus régulière telle qu’obtenue pour les composés non acides, dont les esters. La méthylation contribue à régulariser la forme des pics liés aux acides.
La silylation permet pour sa part de convertir les alcools (-OH) en groupements comportant un atome de silicium entouré de groupements méthyls (-O-Si(CH3)3). Une telle configuration, bien que moléculairement plus lourde que l’alcool, est également nettement moins polaire, et fournit donc assez souvent une molécule plus volatile. En outre, ce groupement a un comportement facilement reconnaissable en spectrométrie de masse, et contribue ainsi parfois à l’identification de molécules par GC-MS.
Il est possible que nous vous recommandions la dérivatisation pour certains contrats. Dans le cas d’extraits aux solvants ou de matrices très riches en lipides, notamment, cette option peut permettre d’augmenter le nombre de molécules identifiables dans vos analyses. Nous sommes toujours à votre disposition pour vous conseiller les meilleurs paramètres analytiques pour arriver à vos objectifs.
Références
(1) National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH). International Chemical Safety Cards – Palmitic acid, [En ligne], (page consultée le 15/10/2014), URL: http://www.cdc.gov/niosh/ipcsneng/neng0530.html
(2) Haenel, R. Temperature-active expansion material for radiator thermostats, DD 241839, Allemagne, 1987.