581-222-3232

More than Analyses, Advice.Plus que des analyses, des conseils.

Alexis St-Gelais – Vulgarisation

Polaire: je ne parle pas ici du froid qui est arrivé chez nous ces derniers temps… Je voulais plutôt vous parler d’un concept permettant de comprendre beaucoup de phénomènes chimiques, et auquel je référerai très certainement abondamment à l’avenir sur ce blogue. La polarité peut en effet contribuer à prédire et expliquer la séparation des molécules, leur extraction, leur volatilité, leur compatibilité, et même certaines propriétés biologiques!

Lorsque les atomes forment des liens chimiques, ils ne partagent pas les électrons de manière égale. En effet, certains éléments attirent plus les électrons que d’autres: ils sont plus électronégatifs. Les électrons se retrouvent donc plus « concentrés » d’un côté du lien. Il se crée donc une légère différence de charge électrique entre les deux côtés, l’un devenant en partie positif, l’autre négatif. Plus cette différence est marquée, plus la liaison est polarisée.

Les quatre éléments les plus fréquents dans les molécules organiques naturelles se classent comme suit, du plus électronégatif au moins électronégatif: l’oxygène (O) est le plus électronégatif, suivi de l’azote (N), et le carbone (C) et l’hydrogène (H) sont à peu près équivalents. Bien sûr, plusieurs autres éléments peuvent figurer dans des molécules naturelles, mais ils font parfois l’objet de cas particuliers dont je ne discuterai pas immédiatement.

Un lien C-H est ainsi électroniquement relativement équilibré, et un lien C-C l’est parfaitement. Ces liens sont donc apolaires. À l’inverse, les liens O-H, O-C, N-H et N-C génèrent une concentration des électrons en faveur du O ou du N, et sont donc polaires. La figure 1 montre visuellement ce qu’il en est.

Figure 1. Polarité approximative d'une série de molécules proches. Sur l'isopropanol, la flèche noire indique le sens de l'attraction forte des électrons. Les flèches blanches indiquent une attraction secondaire, générée par le déficit en électrons créé sur le CH. Pour toutes les molécules, les zones rouges sont riches en électrons, et donc partiellement chargées négativement. Les zones vertes sont au contraire appauvries en électrons, et donc légèrement positives. Le gris clair indique une région électriquement neutre, et le gris foncé une très légère polarisation positive en raison de la polarisation positive du carbone voisin. PÉ: Point d'ébullition.

Figure 1. Polarité approximative d’une série de molécules proches. Sur l’isopropanol, la flèche noire indique le sens de l’attraction forte des électrons. Les flèches blanches indiquent une attraction secondaire, générée par le déficit en électrons créé sur le CH. Pour toutes les molécules, les zones rouges sont riches en électrons, et donc partiellement chargées négativement. Les zones vertes sont au contraire appauvries en électrons, et donc légèrement positives. Le gris clair indique une région électriquement neutre, et le gris foncé une très légère polarisation positive en raison de la polarisation positive du carbone voisin. PÉ: Point d’ébullition.

Quelle est l’utilité de pouvoir se faire une idée de la polarité d’une molécule? La figure 1 donne déjà une partie de la réponse en présentant les points d’ébullition des molécules. Vous pouvez ainsi remarquer que plus la molécule est polarisée, plus le point d’ébullition augmente. C’est que les molécules polaires agissent un peu comme des aimants: elles présentent deux pôles, pouvant attirer le pôle de charge inverse de la molécule voisine. Ainsi, les molécules polaires tendent à être très fortement retenues les unes aux autres: il faut donc leur fournir beaucoup d’énergie pour briser l’attraction intermoléculaire, pour par exemple passer en phase gazeuse. À l’inverse, les molécules non-polaires ne se retiennent pas beaucoup les unes aux autres. Il est donc plus facile de les faire changer d’état. La même règle prévaut généralement pour le point de fusion.

Cette première propriété fournit une excellente explication pour un phénomène que nous avons vu plus tôt, pour les analyses des huiles essentielles. En général, dans nos analyses, les monoterpènes sont élués avant les monoterpènes oxygénés, et les sesquiterpènes avant les sesquiterpènes oxygénés. C’est tout à fait normal: les molécules sans oxygène sont plus volatiles, à poids moléculaire à peu près égal, que les molécules oxygénées, car elles sont moins polaires. Elles traversent donc les colonnes capillaires à une température plus faible, et sont détectées plus tôt.

La polarité permet aussi d’expliquer pourquoi l’huile essentielle et l’eau utilisée pour l’extraire forment deux phases liquides distinctes. En effet, en chimie, le semblable dissout le semblable: les milieux polaires vont plus facilement s’associer, et les milieux apolaires vont exclure les milieux polaires. Les terpènes sont surtout constitués de liens C-C et C-H non-polaires, alors que l’eau est extrêmement polaire: les deux se rejettent donc mutuellement, et forment des liquides non-miscibles. À cet effet, l’huile essentielle a le même comportement que les hydrocarbures liquides dérivés du pétrole et les huiles végétales: les trois groupes comprennent des molécules avec une forte proportion de liens apolaires.

J’ai mentionné que la polarité influençait la séparation des molécules. Je vous réfère ici à mon billet sur les principes de base de la chromatographie. L’affinité dont il était question dans ce billet est, souvent, basée sur la polarité. Par exemple, la silice solide, souvent utilisée en chimie pour séparer des extraits, est un matériau très polaire par ses groupements silanols (Si-OH). Elle retient donc fortement les composés polaires, et faiblement les composés non-polaires. L’estimation rapide de la polarité d’une molécule permet au chimiste de plus facilement cibler la technique chromatographique à utiliser, et les conditions sous lesquelles opérer.

Enfin, la polarité affecte même la façon dont les molécules interagissent avec votre corps… Le sang, la lymphe ou le contenu des cellules forment des milieux aqueux polaires. En revanche, les membranes cellulaires, la peau, le foie ou les cellules adipeuses, par exemple, sont très riches en dérivés de lipides et de protéines peu polaires. Il y a là une panoplie d’interactions possibles. Par exemple, les vitamines polaires (B et C), solubles dans l’eau et facilement évacuées dans l’urine, ne causent quasiment jamais de surdoses, à moins d’en prendre des quantités faramineuses en un court laps de temps. En revanche, les vitamines peu polaires prises en surdose régulièrement vont s’accumuler dans les milieux pour lesquelles elles ont de l’affinité, notamment les graisses. Elles peuvent alors entraîner une hypervitaminose (le plus souvent, avec les vitamines A et D) aux effets potentiellement graves, bien que rares.

Autre exemple, les crèmes cosmétiques sont le plus souvent constituées d’une base de molécules modérément à faiblement polaires, de texture crémeuse ou graisseuse, pour pouvoir pénétrer la peau (ce que l’eau, ou une solution aqueuse, ne fait pas en temps normal). Ainsi, bien qu’on parle communément d’hydratation, on « engraisse » en réalité la peau, un milieu peu polaire où l’eau n’est pas la bienvenue!

Bref, le terme polaire n’est pas qu’affaire de géographie ou de froid. Il peut même être utile pour expliquer bien des phénomènes que nous côtoyons quotidiennement.

More than Analyses, Advices. Call 581-222-3232 or Contact us now

Let’s tackle your challenges together

Every contract is equally important to us. We are proud to develop custom methods of analyses tailored to your innovative products.