Corine Lormel, PhD
Certains clients sont surpris de voir apparaître des « Inconnu » dans leurs rapports GC d’huiles essentielles. Pourquoi les gardons-nous dans les rapports? Est-ce des composés complètement inconnus? Pourquoi n’essayons-nous pas de les identifier?
Dans cet article, nous allons essayer de vous expliquer ce qui se cache derrière les « inconnu » vus dans les analyses.
Il est possible d’en observer deux types dans les rapports.
- Le premier type d’inconnues se retrouve explicitement écrit dans la liste des composés de votre rapport GC (d’ailleurs si vous ne savez pas comment lire un rapport, vous pouvez commencer ici). On peut se le représenter en faisant une analogie à un criminel. Sur une scène de crime, il va laisser des indices tels que des empreintes digitales et de l’ADN qui vont permettre à la police de statuer sur son âge, son genre… en ayant un profil génétique unique et spécifique à lui. C’est exactement la même problématique pour les molécules. Chacune d’elles laisse une signature spécifique que ce soit son indice de rétention en GC-FID ou son spectre de masse en GC-MS. Ainsi l’analyste est capable de dire à quel « genre » appartient la molécule : une cétone, un monoterpène, etc.
Par ailleurs, de même qu’un match de test ADN permet à la police de certifier qu’une personne se trouvait sur deux scènes distinctes de crime, quand l’ADN d’une molécule inconnue (indice de rétention ou spectre de masse) matche avec celui d’une molécule que nous avons déjà enregistré dans notre base de données interne, le chimiste est alors capable de certifier qu’il l’a déjà observée dans une autre huile. C’est la raison pour laquelle nous gardons une trace de toutes les inconnues dans notre base de données et dans vos rapports d’analyses. Cela peut s’avérer très important dans certains cas où l’inconnu est un marqueur spécifique d’une espèce. Son absence dans l’échantillon analysé nous amène alors à disqualifier l’échantillon ou à noter qu’il est inhabituel.
De plus, tout comme la police qui avec le seul ADN n’est pas en mesure d’avoir la photo d’un criminel, (à moins bien sûr qu’il n’ait été arrêté et fiché auparavant) parvenir au nom et à la structure de la molécule nécessite plus d’indices. Malheureusement, en phytochimie qui est une science relativement jeune, de nombreuses molécules sont encore en « cavale ». Les analyses supplémentaires pour permettre d’identifier leurs structures et par suite les nommer peuvent être longues et fastidieuses comme vous pouvez le lire dans les deux articles suivants (St-Gelais, et al., 2018) (Tissandié, et al., 2018) ce qui limite les identifications.
Pour finir avec l’analogie criminelle, si le criminel est fiché dans un commissariat, mais que son dossier n’est pas mis à jour dans les dossiers partagés avec les autres commissariats, alors ces derniers n’auront pas l’information. C’est une problématique avec les différentes bases de données de molécules actuellement disponibles sur le marché. Tant que les nouvelles structures n’y ont pas été intégrées, les molécules demeurent sans nom.
Passons maintenant au deuxième type d’inconnu qui est lui moins évident à détecter dans vos rapports.
- Il est lié au fameux pourcentage de composés identifiés ( jamais égal à 100%) que l’on retrouve à la fin des rapports d’analyses. Ce qui manque pour atteindre le 100% n’est PAS identifié! Pour faire simple (plus de détails ici), cette partie occultée provient de pics du chromatogramme avec un niveau proche du bruit de fond (voir image 1). C’est comme si le chimiste fait le choix de passer sous silence la couleur du fil des boutons de chemise d’une personne qu’il décrit, car ce n’est généralement pas informatif ou pertinent.
Image 1: Expl. de chromatogramme avec des pics non significatifs encerclés de rouge
Et donc, en ajustant toujours le même niveau de zoom pour toutes les analyses, tous les petits pics non pertinents sont regroupés dans une même inconnue globale qui a la valeur qui manque pour avoir 100% des pics du chromatogramme identifiés.
Maintenant, nous espérons que ce billet de blogue vous aura permis de mieux comprendre pourquoi il y a des « inconnus » dans vos rapports d’analyses.
Bibliographie
- St-Gelais, A. et al., 2018. Aromas from Quebec. VI. Morella pensylvanica from the Magdalen Islands: a (-)-α-bisabolol-rich oil featuring a new bisabolane ether. Journal of Essential Oil Research, 30(5), pp. 319-329.
- Tissandié, L. et al., 2018. Towards a complete characterisation of guaiacwood oil. Phytochemistry, Volume 149, pp. 64-81.