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Par Benoit Roger, Ph. D.

Toujours en quête d’une meilleure connaissance des plantes qui nous entourent, nous avons récemment distillé du thé des bois ou gaulthérie couchée (Gaultheria procumbens) fraichement cueillie dans la forêt boréale qui nous entoure (Saguenay, QC, Canada).

Feuilles de thé des bois et début de la distillation

 

Les feuilles de gaulthérie écrasées et froissées entre les mains dégagent une odeur bien connue au Québec, celle des ‘’paparmanes’’ roses qui font désormais partie intégrante de la culture québécoise. Cette odeur de type mentholé est due au salicylate de méthyle constituant environ 98 % de l’huile essentielle issue de la plante.

Nous recevons régulièrement des huiles essentielles de gaulthérie (G. procumbens ou G. fragrantissima) pour analyse mais ces dernières proviennent quasiment toujours du Népal ou de la Chine. G. procumbens pousse également en abondance au Canada et au nord des États-Unis mais elle n’est plus guère utilisée autrement que dans quelques rares produits artisanaux (entre autres des tisanes). Il faut avouer que l’équivalent asiatique ou bien encore le salicylate de méthyle de synthèse représentent des alternatives plus abordables, voire beaucoup plus abordable dans le deuxième cas.

Le thé des bois fait donc partie de ces trésors de la forêt canadienne aujourd’hui délaissés. Libre à nous de les redécouvrir et de les réutiliser !

Si la composition de l’huile essentielle de gaulthérie est particulièrement simple, sa distillation est un peu plus complexe. D’une part, le salicylate de méthyle n’est pas libre dans la plante mais il est lié à un glucide. Ce complexe glucidique non-volatil (la gaulthérine) doit être hydrolysé avant la distillation pour que le salicylate de méthyle puisse être distillé. D’autre part, l’huile essentielle de gaulthérie fait partie des rares huiles essentielles qui sont plus denses que l’eau et elle ne décante pas facilement. La distillation du thé des bois nécessite donc un alambic un peu particulier (adapté aux huiles ‘’lourdes’’ et à la cohobation) ainsi qu’une macération dans l’eau chaude avant la distillation pour que les enzymes de la plante libèrent le salicylate de méthyle.

Pour les détails techniques concernant notre test de distillation, 2.7 kg de plante (tiges et feuilles) ont été cueillis et mis à macérer la nuit précédant la distillation dans de l’eau. Le tout a été porté à environ 50 °C et l’alambic dans lequel nous avons procédé à la macération a été isolé pour la nuit afin de bien activer et maintenir l’hydrolyse enzymatique. Cette étape de macération a été faite comme Guenther [1] le préconise. Il serait toutefois intéressant de valider les paramètres de la macération (température, durée, broyage ou non…) afin d‘optimiser l’hydrolyse de la gaulthérine et donc les rendements de distillation. Au terme de 5 heures d’hydrodistillation avec cohobation (réinjection continu de l’hydrolat dans l’alambic), nous avons obtenu environ 20 g d’huile essentielle, soit 0.75 % de rendement ce qui est supérieur à la valeur donnée par Guenther (0.6 %). Comme cité dans la littérature, l’hydrolat reste très opaque (chargé en fines gouttelettes d’huile essentielle) tout au long de la distillation et redevient clair lorsque la distillation se termine.

Lorsque nous avons collecté l’huile essentielle et lors d’une évaluation ultérieure, nous n’avons pas constaté une odeur bien différente des lots commerciaux que nous avons l’habitude de recevoir, mais à notre grande surprise, en ouvrant l’alambic, une forte odeur de noix de coco se dégageait de la plante distillée… Cette observation est restée en suspens jusqu’à l’analyse où nous avons identifié quelques composés inhabituels dans l’huile essentielle et l’hydrolat. Troublés par ces résultats, nous avons recueillis et distillé une petite quantité de thé des bois suivant la même méthode dans un système de laboratoire en verre puis nous avons procédé à de nouvelles analyses (tableaux 1 et 2).

 

Tableau 1 : Composition de l’huile essentielle de gaulthérie couché (Saguenay, QC, Canada)

 

Tableau 2 : Composition de l’hydrolat de gaulthérie couché (Saguenay, QC, Canada)

Pas de doute possible, l’huile essentielle de gaulthérie du Canada (ou tout du moins du Saguenay) contient des composés que l’on ne retrouve pas dans les huiles de gaulthérie asiatiques mais que l’on retrouve dans l’absolue d’osmanthus (Osmanthus fragrans) ou de tubéreuse (Polianthes tuberosa) et dans l’huile essentielle d’écorce de massoia (Cryptocarya sp.) : la tubérolactone et la massoia lactone. Ces composés ont respectivement une odeur fruitée/noix de coco [2] et une odeur de noix de coco/crème [3].

La présence de ces composés, relativement peu concentrés dans cette huile essentielle, semble assez peu affecter son odeur (ce serait peut-être le cas une fois le salicylate de méthyle partiellement évaporé) mais comme nous avons pu constater une forte odeur de noix de coco en ouvrant le couvercle de l’alambic, il serait peut-être possible de travailler sur une méthode de distillation ou d’extraction permettant de recueillir une huile essentielle, fraction ou extrait plus concentré en ces composés atypiques. Dans le cas contraire et si cela se vérifie pour d’autres lieux de récolte au Canada ou aux États-Unis, il s’agira simplement d’une curiosité chimique pouvant être utilisé comme marqueur d’origine. Voilà en tout cas une belle démonstration qu’il peut être intéressant de revisiter les plantes poussant près de nous pour découvrir quelques petits trésors cachés, inaccessibles dans le commerce. À vos alambics!

 

 

 

[1] Guenther E., The essential oils vol. VI. 1952. Krieger editions, p 3-7.

[2] Bourdineaud J.P., Ehret C., Petrzilka M. Optically active lactones, World Patent WO/94107887, April 19, 1994.

[3] Mosciano G., P&F 19, No. 1 (27), 1994.

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