Sarah-Eve Tremblay, M. Sc. A., chimiste
Le sapin est directement associé à la frénésie des fêtes. Il est utilisé pour être décoré de lumière, de guirlandes et d’une étoile au sommet, et souvent à son pied un petit village y est construit. Son parfum donne à la maison une odeur festive et réconfortante. C’est pourquoi en cette semaine du temps des fêtes, nous allons discuter de son huile essentielle, ou plus précisément celle de l’espèce canadienne: le sapin baumier (Abies balsamea).

Figure 1. Chromatogramme typique de l’huile d’A. balsamea (aiguilles) sur une colonne DB-5. A: Camphène B: β-Pinène C: Δ3-Carène D: α-Terpinéol E: Pipéritone F: Acétate de bornyle G: Thymol H: Longifolène I: β-Bisabolène
Le sapin fait partie du grand groupe des conifères et est particulièrement récolté pour la fabrication de bois d’oeuvre et de papier, mais aussi pour la fabrication des huiles essentielles, majoritairement issues des aiguilles. L’huile essentielle de sapin baumier (figure 1) est riche en monoterpènes, soit à plus de 95%. Les monoterpènes dominants (figure 2) sont le β-pinène (B) autour de 25-35% ainsi que le Δ3-carène (C) à 8-20% (avec exceptions, voir ci-bas). Quelques uns des composés oxygénés qui y sont identifiés sont l’acétate de bornyle (F) typiquement vers 5-9%, l’α-terpinéol (D) entre 0,1% et 1%, la pipéritone (E) entre ∽0,1% et 1,2% ainsi que le thymol (G) allant de traces à 0,3% [1, données internes]. La pipéritone n’est pas un composé commun aux différents conifères: par exemple, elle n’est presque pas présente dans les épinettes noires (Picea mariana). L’acétate de bornyle est, quant à lui, en partie responsable de l’odeur rafraîchissante de plusieurs conifères. Les sesquiterpènes caractéristiques du sapin baumier, outre le caryophyllène, sont le longifolène (H) ainsi que le β-bisabolène (I).

Figure 2. Terpènes typiques de l’huile d’A. balsamea. Se référer à la figure 1 pour les noms.
L’huile essentielle de sapin peut être divisée en deux groupes, soit deux chémotypes différents. Le premier groupe est riche en Δ3-carène (C) et le second n’en contient qu’un petit pourcentage. Une autre division a aussi été remarqué pour le thymol, avec quelques échantillons en présentant près de 3%, mais la majorité des huiles de sapins étudiées n’en contenaient qu’un petit pourcentage. Par contre, celles contenant un pourcentage élevé en thymol ont été observées autant dans les huiles de sapin baumier contenant beaucoup de Δ3-carène que celles qui n’en contiennent qu’un petit pourcentage [1].
On remarque aussi que les huiles contenant des jeunes pousses d’aiguilles, soit des pousses des mois printaniers près de l’éclatement du bourgeon, montrent une augmentation notable du pourcentage de l’acétate de bornyle de ∽6% à ∽13%, de la pipéritone de 0,1% à ∽1% et du camphène (A) de ∽4% à ∽10% et avaient le plus souvent une diminution du pourcentage de β-pinène, passant de près de 40% à ∽12%. Ce changement de pourcentage est dû au fait que la biosynthèse de certains terpènes se retrouve au repos durant les autres saisons [2].
[1] Régimbal, J-M., Collin, G. (1994) Essential Oil Analysis of Balsam Fir Abies balsamea (L.) Mill, J. Essent. Oil Res., 6, 229-238.
[2] von Rudloff, E., Granat, M. (1982) Seasonal Variation of the Terpenes of the Leaves, Buds, and Twigs of Balsam Fir (Abies balsamea), Can. J. Bot. 60: 2682-2685.